par Françoise-Hélène Brou, historienne de l’art. Elle vit en Valais, où elle a créé un projet de résidence d’artistes.

« Chaque tableau contient mystérieusement toute une vie, avec ses souffrances, ses doutes, ses heures d’enthousiasme et de lumière. »

Wassily Kandinsky, Du spirituel dans l’art

La peinture de Cristobal del Puey s’inscrit dans un courant redonnant corps et vie aux grands genres picturaux tels que le portrait, l’autoportrait, le paysage, la peinture d’histoire et sacrée. La révolution abstraite n’a heureusement pas aboli les représentations traditionnelles. Aujourd’hui, la peinture figurative est revenue sur le devant de la scène artistique, un spectaculaire renversement de valeurs qui désormais affirme son éclatante vitalité sur le plan des expositions, du marché de l’art et des écrits critiques.

Dans ce contexte, Cristobal del Puey renoue l’antique lien de la peinture avec les dimensions existentielles, historiques ou religieuses qu’il traite avec des outils stylistiques et iconographiques relevant à la fois de l’expressionnisme et du symbolisme. L’artiste déclare volontiers qu’il est parti du très classique, celui des grands maîtres de la Renaissance, des références dont il s’éloigne cependant progressivement.

Les techniques utilisées par Cristobal del Puey entremêlent une certaine continuité des pratiques tout en introduisant dans ses compositions les innovations – mais non les logiques – avant-gardistes, comme par exemple le collage, l’assemblage, l’incorporation d’objets du quotidien et de matériaux hétéroclites, les pigments métalliques, le graffiti, la vidéo, le digital, les empâtements d’épaisses couches jusqu’à créer de véritables zones en bas ou haut relief surgissant de la planimétrie de la toile. L’artiste adopte fréquemment de très grands formats, parfois démesurés, qu’il peut décliner en polyptiques trahissant une forme de préciosité médiévale, une verticalité gothique, des accents baroquisants, qui font alors écho aux thématiques sacrées abordées par Cristobal.

Les sujets traités par l’artiste se divisent en profane et sacré, pouvant être traités séparément ou se juxtaposer. Dans la catégorie profane nous trouvons des paysages, mais surtout une grande quantité de portraits et d’autoportraits. La figure et le corps humains traversent l’œuvre de l’artiste et sont prétextes à explorer des dimensions intra subjectives faisant retentir des résonnances intérieures et colorées, éclairant la psychologie d’un individu ou l’aura d’un groupe familial. L’autoportrait quant à lui constitue pour l’artiste une sorte d’exercice de dédoublement, souvent d’ailleurs Cristobal multiplie ses doubles dans la même œuvre (jusqu’à huit doubles dans Entre Amis, 2021) ou, autre stratégie, il se représente sous les traits d’un mandrill, rejoignant en cela la rhétorique picturale et littéraire du portrait de l’artiste en singe (Picasso, Rouault, Kokoschka, Butor, Perec) qui métaphorise la tentation de l’imitation et le rapport critique du peintre à son style.

Les peintures sacrées de Cristobal Del Puey abordent quelques grands thèmes du répertoire biblique ; l’artiste réinterprète ces scènes selon son positionnement par rapport au réel et à l’actualité. Par exemple dans Le Paradis (2023), ce n’est plus Eve, mais Adam qui croque la pomme de l’arbre de vie. Cette inversion du poids du péché originel réhabilite l’image de la femme que Cristobal respecte profondément. Le monumental Triptyque de la Rédemption (2020), dresse une fresque saisissante de la civilisation moderne : désastres de la guerre, génocides, pollutions, terrorisme, épidémies, une sorte d’apocalypse de la fin des temps, mais où néanmoins subsiste l’espoir, beauté dissonante incarnée par une représentation lumineuse de la Vierge trônant au sommet de la composition. Croire aujourd’hui à la possibilité d’un art sacré est une gageure que Cristobal relève avec la conviction que ce registre recèle toujours d’infinies sources d’inspiration esthétiques et spirituelles.

Cristobal Del Puey, exploite toutes les nouvelles lois de la forme affirmant ainsi son ancrage dans la contemporanéité.