Par Viviane de Witt, collectionneuse et 1^ère femme commissaire-priseur de France

Il tranche nette avec son époque, car lui, il est résolument différent. Loin de ceux qui cherchent la lumière en dissertant à l’envi sur leurs recherches, et prétendent à des gloires éphémères, il est la quintessence de l’artiste qui met totalement ses tripes sur la table avec une évidence, une violence, mais une totale détermination tranquille.

Pendant des années il a travaillé dans l’ombre, presque le secret, il a nourri de références multiples son fameux triptyque « Ma rédemption ».  Il l’a enfanté peu à peu, en malaxant les matières et les confrontant dans une sorte de lutte étrange avec ses démons et ses anges. Confronté à cette œuvre majeure, cette œuvre coup de poing, on peine à retrouver son souffle. La douleur, la fuite, l’enfance saccagé, le célèbre boxeur, des masques grimaçants, la mort, mais aussi la vie, le feu, la lumière, on est emporté, transporter, subjugué, car il y a aussi la prière, la réflexion, l’envolée, tout y est. C’est savant, avec d’innombrables références, comprenne qui pourra, c’est immense, violent, fou, immensément, intensément baroque. Personne n’a jamais rien produit de Tell, jamais ! C’est furieusement beau, prenant, envoûtant.

Et chaque œuvre de Cristobal grande, moyenne ou même de dimension modeste recèle cette intensité dramatique, ces couleurs de feu, cette épaisseur tortueuse. Cela ruisselle de couleur, brûle de mille feux, la pâte est généreuse, puissante, et au milieu de cette luxuriance, il est remarquable de constater l’étrange ressemblance physique du modèle, couplé avec la délicatesse exprimée, car Cristobal a su lire dans l’esprit et le cœur de son modèle. C’est un privilège d’avoir son portrait peint par Cristobal. Quel immense artiste.

Reproduire une ressemblance physique est déjà une gageure, mais y ajouter la peinture de l’âme. C’est de la sorcellerie. Et l’univers du modèle suggéré à travers quelques uns de ses objets favoris, il faut de l’affection attentive pour être si au fait des attachements et des goûts de son modèle. Oui, il y a de la magie dans le pinceau de Cristobal.

Sa manière n’est qu’à lui, la variété des moyens employés est infinie, des chiffons et de la vidéo, il n’a peur d’aucune confrontation. Cristobal crée un monde, un univers. On reconnaît dans l’instant une œuvre de lui parce qu’il a enfanté de curieux mélanges qui n’appartiennent qu’à lui et sont sa signature.

Il y a une totale dichotomie entre son personnage élégant, très charmant, raffiné qui semble si loin des tourments qui grouillent sous les couleurs et la pâte épaisse de ses œuvres.

Beaucoup de maîtrise, en tout cas une géniale maîtrise, toujours renouvelée dans chaque œuvre.

Alors que ce soit Macbeth et sa réflexion sur le pouvoir, les tournesols tournoyants de Van Gogh revisités, des paysages au relief exacerbé, ou des portraits, ou même des autoportraits criant de vérité, on est dans le monde fou de couleurs, à la musique rugissante, le monde à la fois du ciel et de l’enfer de ce génial artiste qui est Cristobal.

C’est un privilège de le connaître. Un privilège d’avoir été portraiturée par lui.

Un cadeau du ciel que de faire partie de ses amis.